Vanina Lanfranchi

Interview de Vanina Lanfranchi

Quel est ton rôle au sein de l’atelier vidéo multimédia ?

Je suis la directrice d’AVM, qui porte le Pôle Image Maroni. J’assure la direction administrative et financière, ainsi que la gestion des ressources humaines de la structure, qui emploie aujourd’hui 10 salariés et bientôt 13.

On travaille autour de l’éducation à l’image, nous sommes d’ailleurs labélisés pôle régional d’éducation à l’image. On a créé un média web de proximité qui s’appelle chroniques du Maroni. On met également en place des résidences d’écriture autour du documentaire de création Doc Amazonie Caraïbes, qui se clôturent par des rencontres avec des professionnel, qui permettrons à certains d’être produits. Depuis qu’on a commencé le programme en 2014, plus d’une dizaine de documentaires sont diffusés en festival et télévision. Sont issus de ce programme Christophe Yanuwana Pierre. C’est un joli parcours, car il a suivi des ateliers dans le cadre de l’éducation à l’image, puis a participé à une première résidence d’écriture pour son documentaire Uniti. Il y a aussi Gessica Généus, une réalisatrice haïtienne, qui a remporté pas mal de prix pour le documentaire Douvan jou ka lévé, qu’elle avait travaillé durant l’une de nos résidences. Aujourd’hui elle présente une fiction, qui a été jusqu’à Cannes et bientôt aux Oscars !

Ce sont aussi des espaces qui permettent des rencontres et de la coopération, puisque nous accueillons dans nos locaux avec la société 5°Nord production, ainsi que l’association AFIFAC, qui organise le Festival International du Film documentaire Amazonie Caraïbes.

Nous faisons également partie de réseaux professionnels comme les passeurs d’images ou Doc monde et sommes partenaires de l’association G-Cam depuis sa création en 2009.

Comment en es-tu venue à l’éducation à l’image ?

Quand j’étais petite, mon père s’occupait d’un ciné bouffe : le concept était simple, t’allais voir un film et tu mangeais. Il faisait des nuits du film fantastique ou du film dramatique. On allait beaucoup au cinéma. Ça faisait partie de ma culture et naturellement, quand j’ai étudié les lettres modernes, j’ai suivi des options autour de l’analyse filmique et du cinéma. Puis j’ai passé un DU nouvelles technologies de l’information et de la communication et fait une formation de webmaster. Parallèlement, j’avais développé des ateliers autour du film d’animation image par image, ça m’amusait bien. J’ai toujours aimé faire les choses par moi-même. Le fait de gérer des sites internet, d’avoir à faire des montages, me maintenait dans cet univers de l’image.

C’est la musique qui nous a amené en Guyane Didier Urbain et moi, à travers le projet de développement du centre culturel transamazonien, qui devait voir le jour dans le camp de la Transportation, où nous étions basés. Nous étions venus pour travailler autour de l’audiovisuel et notamment avec la création d’un magazine télé sur le plateau des Guyanes Brésil, Guyana, Surinam et Guyane. Il y a eu un premier numéro et puis le projet global a été interrompu.

Mais on a trouvé intéressant de créer AVM en 2006, en commençant avec des diffusions de films dans les quartiers. Car sur le projet de centre culturel, nous avions produits des choses et on trouvait dommage que ce ne soient pas diffusé. On travaillait de chez nous, puis on a intégré la maison de quartier des cultures. Dans l’idée, on voulait aussi réunir du monde pour réaliser des portraits des gens d’ici et sortir du regard mainstream des grands médias de l’hexagone. En parallèle, on a commencé à faire des ateliers en milieu scolaire, ce qui nous a permis d’acheter un peu de matériel ; et c’est comme ça qu’on a rencontré Cédric Ross. Il était alors en 4e , il avait toute une bande de copains qui avaient très envie de faire des films. De fil en aiguille, on a commencé à encadrer des projets de pratique cinématographique et de réalisation de films avec eux et avec nos amis et partenaires de toujours le réalisateur Serge Poyotte et Véronique Loit, assistante réalisatrice et productrice qui nous a quitté en aout dernier.

Ici en 2007, j’ai passé un Master 2 gestion des équipements culturels et touristiques, avec Paris Dauphine. Ce diplôme m’a permis de développer mes compétences dans le cadre de l’administration d’une structure culturelle. Didier Urbain qui est le président d’AVM a suivi ce cursus aussi. Son mémoire portait sur le développement du cinéma et de l’audiovisuel à Saint-Laurent du Maroni. Nous l’avions appelé la « Bible », il nous a servi longtemps de référence pour le développement de tous nos projets et certains ont abouti récemment comme la labellisation de Pôle Régional d’Education à l’Image.

Comment avez-vous commencé à travailler avec Kokolampoe ?

Notre activité s’est développée petit à petit et puis nous sommes revenus dans le camp de la transportation en 2015 et avons retrouvé KS and Co. Nous avions déjà collaboré sur le projet du centre culturel transamazonien. On se connait de longue date, Serge Abatucci et Ewlyne Guillaume faisaient même partie des premiers membres de l’association en 2006. Il y a tout de suite eu synergie entre le théâtre qui développait son école et nous qui développions les ateliers d’éducation à l’image et des formations d’initiation aux métiers du cinéma et de l’audiovisuel. Nous avons collaboré très régulièrement au fil des années.

Depuis le premier trimestre 2021, on s’est impliqué ensemble sur le dispositif AOC ambition ouest compétences. C’est très intéressant de travailler sur de la remobilisation sociale des jeunes. Pour nous, c’est évidemment autour d’ateliers sur l’éducation à l’image et de module de formation spécifiques liés à l’audiovisuel. Pouvoir passer du spectacle vivant au cinéma, puis à l’audiovisuel offre une multitude de possibilités à ces jeunes. Le FIFAC et les Tréteaux du Maroni par exemple constituent de véritables plateaux pédagogiques. Les jeunes, qui ont été initiés aux différents métiers du cinéma et du théatre peuvent mettre en pratique dans le cadre d’actions concrètes. Ça leur donne un autre point de vue sur ce qu’ils sont capables de faire et valorise toutes leurs compétences transversales ; ces petits plus qui peuvent mobiliser pour aller au bout d’un projet.

AOC est aussi une passerelle entre nos deux structures, qui créent ainsi un nouvel espace culturel. C’est expérimental comme façon de procéder, mais ça annonce de belles choses.

Bien sûr cette relation entre nous, nous l’entretenons, par exemple en organisant des rencontres avec les réalisateurs qui sont en résidence chez nous. Une des perspectives d’évolution de notre collaboration pourrait être la création d’un module orienté cinéma, au sein du DUPMA délivré par le théatre école.

Qu’est-ce qui vous motive à continuer de mener ces projets ?

Pour moi l’éducation à l’image est vraiment essentielle dans le parcours des jeunes, qui sont devant des écrans plus de 6 h par jour.

Il n’y a rien de plus gratifiant que le regard des jeunes sur leurs productions lorsqu’on fait des restitutions de films, réalisés dans le cadre d’atelier. Voir ce que ça leur apporte… Certains ont continué et font leur carrière dans ce domaine. Au FIFAC en 2019 quand Christophe Yanuana Pierre a eu le prix du Jury et cette année quand trois d’entre eux ont fait mon interview, j’étais très émue… On voit les graines que l’on sème se mettre à pousser. Ça crée des vocations et je trouve ça beau.

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