Rencontre avec Jacques Martial

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Acteur et Metteur en scène

Quelle est l’histoire de votre rencontre avec le Centre dramatique ?
Ce sont d’abord des messages et des images vus sur les médias sociaux : Serge Abatucci et Ewlyne Guillaume créant une école, puis un festival de théâtre, les tréteaux du Maroni. Moi, je suis à Paris, je préside l’établissement public du parc de la Villette. Ça faisait longtemps que je ne n’étais pas venu en Guyane, mais vu de Paris, Saint-Laurent pour un festival, ça fait loin.
Et puis, quelques temps après, à la soirée d’ouverture du « festival in d’Avignon », le directeur de l’ENSAT Thierry Pariente, me parle à nouveau de ce lieu, qu’il trouve très intéressant, dirigé par Serge et Ewlyne. Il souhaite leur proposer ma participation à un projet. Je m’étais renseigné sur le centre, sa diversité culturelle et le travail fait avec les businenges, alors immédiatement j’ai dit « formidable, j’ai LE projet ». Cette proposition à Avignon a précipité tout ce savoir sous-jacent, mes souvenirs d’écolier dans les années soixante – soixante-dix en Guyane, ma connaissance du territoire et de mon intérêt pour le peuple businenge. Tout cela s’est ordonné et mis en place dans une vision claire.

Que représente le Centre pour vous ?
Le centre pour moi, c’est la concrétisation de projets, qu’à titre personnel je portais depuis toujours. C’est le lieu magique de tous les possibles. Lorsque l’on réfléchit un projet à partir du centre, le rêve le plus fou devient à la bonne mesure du lieu et de ce qu’il permet.

Diriez-vous que Saint-Laurent est trop loin de Paris ?
Je dirais plutôt : « est-ce que Paris est loin de Saint-Laurent ? ». Le centre, pour moi est à Saint Laurent et pas à Paris. C’est d’ici, que part son énergie, c’est d’ici, que les choses se mettent en mouvement, que le rêve se crée, que les projets se réfléchissent. Ce n’est pas l’inverse.
Il y a un film de Alain Tanner, « Le milieu du monde », dont les premiers mots sont : « Il y a autant de milieux du monde que de personnes qui s’aiment ». Kokolampoe est son propre milieu.

Y a-t-il des projets à venir avec le Centre ?
Il y a la continuation « Songe d’une nuit d’été » de Shakespeare, qui pour moi est un projet et un spectacle exemplaire ; dans la façon dont il a été pensé, mis en œuvre et son résultat artistique. La suite, dont je rêve, est de continuer à tisser le fil de cette exemplarité, qui invente et se réinvente avec force, puissance, mais aussi fragilité. Il s’agit de conserver cette fragilité, tout ce qui nous émeut en pensant à ce projet et en même temps lui permettre de grandir.

Quelle est votre vision pour le théâtre en Guyane ?
Ma vision pour la Guyane, c’est ma vision pour le théâtre : que le théâtre se fasse, se joue, qu’il y ait des compagnies et des spectacles, des spectateurs qui viennent dans les salles. Je n’ai pas de « principes extérieurs ». Le théâtre guyanais existe, c’est celui qui se joue aujourd’hui. L’envie, le désir, c’est qu’il y en ait plus, plus de public et de pièces formidables. La première pièce est importante, mais la deuxième, la troisième, la millième, sont essentielles.

Ce que je ressens de Saint-Laurent du Maroni à chaque fois que j’y viens, c’est que c’est un chaudron où quelque chose est en train de bouillir. Il s’y passe quelque chose de magique, de mystérieux, d’essentiel, sans faire d’esbrouffes, mais ça se passe et ça avance. Saint-Laurent est libre d’inventer et elle le fait.